Mots. Le temps.

Garde-toi bien de le retenir,

Il ne le supporte pas.

Il t’échappera entre les doigts.

Non vraiment, il n’aime pas ça.


Garde-toi bien de le réclamer.

Il ne le supporte pas.

Il n’obéit pas aux ordres.

Non vraiment, il n’aime pas ça.


Garde-toi bien de l’ignorer.

Il ne le supporte pas.

Il avancera sans toi.

Non vraiment, il n’aime pas ça.


Garde-toi bien de le perdre.

Il ne le supporte pas.

Il ne reviendra pas.

Non vraiment, il n’aime pas ça.


Mais si tu le partages,

Si tu le donnes,

Si tu le savoures,

Si tu l’interroges,


Il saura se montrer clément.

Il te confiera peut-être ses secrets.

Il t’accompagnera, où que tu ailles.

Il te donnera le rythme…


A toi d’en trouver la musique.


Carnet d’écritures… Idées

Cognent-elles encore à la vitre de la conscience ?

Si petites soient elles, elles en imposent par leurs grands bruits tonitruants.

Tels de lourds sabots traînés à même le pavé, elles font de leur vacarme disparaître tous les autres.

Les plus noires d’entre elles sont les plus invasives.

Mais les petites sont les plus vicieuses.

Une mécanique bien rodée que la porte aux idées…

Tousmespasperdus

Carnet d’écritures… Ressac.

Tempêtes et tornades sont de l’ordre du quotidien.

Ni du plus ni du moins, tout vient en vagues successives.

Il n’est de raison. Rien. Jamais.

A portée de nage, un soleil radieux. A peine caché, juste à côté.

Mais l’effort à fournir est insurmontable comme les déferlantes pourpres des sommeils agités.

Le soleil reste là, un mirage dans le désert des bonnes volontés. Repoussé à plus tard, tel le ressac insistant.

Un jour peut-être mais pas encore…Non, pas encore.

Tousmespasperdus

Qui préviendra Aline?

Christophe

Qui lui dira ce qui se passe ?

C’est un peu comm’si la Terre penchait.

Il faut l’avertir,

Qui va lui crier

Que le monde est devenu fou,

Que Christophe a emporté sa voix douce et planante,

Qu’ils sont nombreux à rejoindre les étoiles.

Il ne faut pas qu’elle revienne,

Qu’elle emporte avec elle

La petite fille du soleil,

La Senorita

Et la petite fille du troisième.

Il ne s’est pas noyé

dans un océan d’amour.

C’est une crasse dangereuse,

Qui fait de nous ses marionnettes.

Christophe,

Existent-ils les paradis perdus?

A nous les nuits blanches.

Christophe,

Est-ce que tu es bien?

Eh, petit gars,

Est-ce que tu nous attends?

Comme un enfant.

Tu te casses?

Tu te moques?

Il parait que tu as dit : « Je suis parti »

Si c’est vrai, de là où tu es,

Dessine-nous un nuage d’or couvert de tes mots bleus,

Définitivement, Comme un interdit.

A plus, le beau bizarre !

En route pour une autre vie.

Tu nous laisses le coeur défiguré,

Les deux pieds dans les vestiges du chaos.

Journal confiné d’une évadée (4).

Les journées se suivent et se ressemblent. Sans trop de surprises.

Avec des hauts et des bas, nous prenons nos marques tous les quatre. Silence prend beaucoup de place mais, il n’est pas dérangeant, je le laisse faire comme s’il était chez lui. Temps a toujours été là mais le voir s’étirer de la sorte à longueur de journée est… déstabilisant et parfois frustrant. Solitude et moi réfléchissons beaucoup. Peut-être trop c’est vrai mais nous n’avons pas grand chose d’autre à faire…

Hier soir, Manu a prolongé en France le « cocooning forcé, obligé,confinant ». J’ai vu Solitude et Silence se détendre à cette annonce.

Ici, en Belgique, nous suivrons sans doute.

Photo : TPerdus

Moi, je tousse, j’ai un peu mal aux poumons. Je ne sais pas si c’est lié aux allergies, si c’est psychosomatique ou coronavirant. En dehors de cela, je me sens bien, pas de fatigue, pas de fièvre, pas de perte de goût. Croisons les doigts.

Ca fait plus d’un mois que je n’ai vu personne en dehors du moment des courses. Trois fois je crois depuis le début et j’applique tous les gestes barrières plutôt deux fois qu’une. En dehors de cela et de porter une fois par semaine du linge à mon Papy (sortir de la voiture, déposer le linge dans le sas de sa résidence, aucun contact avec personne, remonter dans la voiture et rentrer chez moi), je n’ai fait aucune promenade, aucune sortie « détente ». Je n’en tire pas spécialement de fierté, c’est juste que sortir me fait peur. Je ne me sens pas enfermée pour autant, que du contraire. Je ne ressens pas de manque. Ni du dehors, ni des autres, en dehors de mon Papy évidemment. J’ai pourtant, j’avais pourtant, une vie active et sociale bien remplie. J’ai beaucoup d’amis, une famille, des activités… Mais rien ne me manque. La présence de mes trois comparses me suffit amplement.

C’est bien cela qui m’inquiète, ce n’est pas normal. Quand je pense à l’après, que je m’imagine prendre les transports en commun, aller en ville, les escalators, le bruit, la foule, le monde, le mouvement rapide du monde, les yeux rivés sur les smartphones dans les transports, les stress professionnels, les « urgences »… Mes émotions balancent entre la peur, le désintérêt total et le sentiment d’inutilité, de folie et un certain refus de la situation à venir.

Ces sentiments vont s’intensifier d’après Solitude, Silence et Temps. Je le sais, je le ressens un peu plus chaque jour. Je ne veux plus d’un monde comme celui d’avant mais celui d’après me fait peur. Il n’a aucun sens à mes yeux. J’attendais tellement une pause générale. Si ce n’était pas au détriment d’autres personnes, … Ce serait vraiment bien en ce qui me concerne. J’ai peur de ce monde d’après parce que je suis persuadée qu’il ne sera pas meilleur que celui d’avant, que les leçons ne seront pas tirées. J’espère me tromper…

Ne culpabilise pas de ne pas culpabiliser de ton confinement me dit Solitude.

Non, c’est vrai dit Silence, j’ai aussi enfin l’impression d’exister, je te comprends.

Temps s’en moque royalement, il dit que pour lui, cela ne change absolument rien. C’est vrai qu’il n’a jamais vraiment tenu compte des autres pour faire sa vie, c’est quand même un bel égoïste quand j’y pense. Ca fait rire Silence qui a capté ma pensée.

Temps me dit qu’Ennui voudrait bien passer. Mais je lui rétorque que nous sommes en confinement au cas où il aurait oublié, qu’il reste chez lui. Je ne me suis jamais trop entendue avec lui de toute façon, un peu trop pédant à mon goût. Temps a l’air déçu. Ca m’est égal.

Durant la journée, je les laisse tous les trois régulièrement sur le côté pendant que je télétravaille. Mais c’est de plus en plus difficile de se concentrer. Quand on perd un peu le sens de ce que l’on fait…

Solitude m’appelle. Rien, il ne sait rien faire sans moi celui-là.

Écrire (4).

Mais quand vais-je enfin avoir du temps pour écrire tout ce que j’ai à mettre en mots?

Bâillonnée par les contentions de mes obligations, empêchée d’exister par la plume, ligotée par la culpabilité de ce qui doit être fait.

Ca y est, le temps est là.

Mais l’âme y est si peu.

L’esprit est prisonnier de l’actualité. Comme possédé.

De temps en temps, il tente une échapée mais celle-ci est de courte durée et de qualité médiocre.

La peur, l’angoisse, l’incertitude prennent le dessus bien vite.

Sans cesse, la vague revient, se rappelle à moi et pourtant.

Pourtant tout est fait pour l’éviter et la laisser loin de mes pensées.

Espérons que le temps prenne le dessus sur l’angoisse…

Qu’il soit à côté de moi pour poser les mots, un peu comme maintenant.

Le plus souvent possible, espérons…

Photo : TPerdus

Plume paysanne (6)

Une fois la porte passée,

Le vent, cinglant, claque le visage patiné.

Les yeux âgés s’habituent peu à peu à la luminosité.

Une profonde inspiration, et la marche s’enclenche.

Le corps de ferme s’éloigne,

d’autres coeurs battants s’approchent.

d’autres âmes l’attendent, le sentent venir.

Une fois dans l’étable,

l’odeur âcre et familière prend possession des narines du vieil homme.

La machine se met en route, chaque geste, chaque mouvement

fait partie d’une routine qui ne demande plus que l’effort du corps.

Les murs de chaux, blancs sales

Enferment le travail de l’instant

La paume usée caresse le dos de chacune

Comme pour les saluer.

Le petit tabouret, bancal, comme de poupée

est attrapé avec vivacité et posé là,

près de l’une d’elle,

la préférée,

En premier temps, toujours.

Les mains fortes agrippent le pis doux et chaud.

Le geste sûr, répétitif fait s’écouler l’or blanc dans le récipient de fer.

Des volutes légères de vapeur s’échappent.

Comme si elle ne voulait pas se laisser prendre,

la bête s’agite un peu,

juste pour montrer sa vie.

L’homme grogne et crie.

La bête s’immobilise.

Le geste reprend, plus ferme.

L’animal est libéré.

Le lait est récolté.

Même opération, répétée, plusieurs fois, machinale.

Le dos souffre mais l’homme ne se plaint pas.

Jamais.

Journal confiné d’une évadée. (3)

Photo: TPerdus

Ce n’est qu’un début…

Il va falloir apprendre à sortir de sa peau. Il va falloir poser nos yeux sur l’Autre, vraiment.

Pas faire semblant.

Une renaissance des sens qui ne peut pas être l’exacte répétition de nos éloignements.

L’air n’a déjà plus la même odeur; le ciel, la même couleur.

Retour aux choses premières, à l’animal.

Pour redevenir des Humains.

Lister ce qui doit être fait, ce qui n’a plus d’importance.

Il fallait cela pour en faire le constat?

Triste.

Journal confiné d’une évadée. (2)

Photo : TPerdus

Solitude, Silence et Temps me questionnent.

Je n’ai plus le choix, les écouter.

Comment sera le monde après?

Comment sera ta vie ?

Qu’est-ce qui va changer?

Qu’est-ce que tu vas changer?

Est-ce que tu as compris?

Nous nous sommes réunis tous les trois

Nous voulions te poser ces questions.

Réfléchis.

Réfléchis bien.

Cette réunion est un cadeau précieux.

Fais-en bon usage!

Mais déjà le changement est en cours…

Journal confiné d'une évadée. (1)

Une semaine.

Une première semaine.

Encore combien de semaines?

Ca ressemble à une plainte?

Ce n’en est pas une.

Morning Sun – 1952 – Edward Hopper

Silence m’enveloppe, il est presque majestueux.

Je m’entends à nouveau penser.

Temps aussi s’étire à l’envi et fait son paresseux

Il se roule sur le sol, au soleil et fait le gros dos.

M’offre une chance unique de nous retrouver,

Solitude et moi.

Il était temps.

Tout devait s’arrêter.

Cape Cod Morning – 1950 – Edward Hopper.

Tout relâcher et réveiller ses sens.

Se désengourdir pour sortir du rêve.

Ouvrir grands les yeux et respirer

Lentement, profondément.

Essentiel ou accessoire?

Trier en soi l’accessoire et garder aussi le presqu’essentiel,

Pour le plaisir mais prendre le temps

de ne pas le faire au détriment des autres.

Grand nettoyage de printemps.

Réapprendre à penser, à marcher, à évoluer,

A écouter Silence qui parlait dans le vide.

Après un long sommeil.

Je m’avais manqué.

Pardon.